L’Hyperémotivité
Une personne hyperémotive ressent avec beaucoup d’intensité chaque changement de situation. La moindre excitation provoque chez elle des réactions émotives (joie, colère, tristesse) et corporelles (coliques, rougeur, transpiration abondante…). Ces réactions sont hors normes en proportion avec l’événement. Cet état paraît bel et bien lié à la constitution. Mais il n’est pas exclusivement d’origine génétique. Il peut apparaître, lorsque le terrain le permet, suite à un choc affectif important.
(source : Georges-Henri Arenstein, psychologue. Site Internet )
AVIS D’UN SPECIALISTE
Frédéric Kochman est pédopsychiatre au CHU de Lille. Il est un spécialiste en France de l’étude des émotions sur les enfants. Il travaille avec le centre mondial de l’humeur en Californie. Voici un extrait de son intervention dans « Ca se discute ».
Qu’est-ce qu’une émotion ?
Pour moi, une émotion, c’est la façon de gérer un événement au plus profond de sa personnalité. On pense en général que ce sont les évènements qui provoquent nos émotions mais c’est une idée fausse. Un même événement peut être perçu de manière très différente en fonction de notre façon très singulière de gérer nos émotions.
Sommes-nous tous égaux face à nos émotions ?
Nous ne naissons pas avec la même émotivité et c’est une découverte très récente. Une expérience a été réalisée sur deux souris de 1 jour. On les a soumises au même stress : les retirer brutalement de leur mère. On a mesuré leur taux d’adrénaline, l’une avait 2 , l’autre 10. depuis 4 ans , je travaille avec une équipe de psychiatres et de neurologues du Centre mondial de l’humeur à La Joya en Californie tenu par le professeur Akistal. Ce scientifique est à l’origine des découvertes génétiques sur la gestion des émotions. Il a prouvé qu’il existe des gènes qui rendent hypersensibles. On a des études qui seront publiées cette année pour repérer qu’on peut repérer très tôt l’hyperémotivité d’un nourrisson. Des tests ont été effectués sur des bébés de 1 jour. Pour évaluer leur émotivité, on leur a mis une tétine équipée de capteurs. On leur a montré 5 photos de maman , dont la leur. Quand la photo de leur maman leur est présentée, ils tètent plus. Les bébés hyperémotifs tètent beaucoup plus que les autres. D’autres expériences ont été réalisées sur des nourrissons de 9 mois. On leur donne leur jouet et on leur retire brutalement. Beaucoup vont réagir en hurlant, la plupart vont passer à autre chose, et les hypersensibles vont pousser des hurlements pendant plus de 10 minutes. Nous nous sommes rendus compte de l’importance des émotions dans le cadre des traitements d’enfants dépressifs. Je leur trouvais des points communs, ils étaient tous hypersensibles.
Qu’est ce qui caractérise un hyperémotif ?
Les hyperémotifs sont des trous noirs d’amour. Ils ont besoin d’attirer tout l’amour qu’ils peuvent , ils accaparent, ils monopolisent et ce besoin est insupportable pour l’entourage. L’hyperémotif vit dans le paradoxe. D’un côté il a besoin d’être terriblement aimé mais il arrive à l’opposé de ce qu’il veut car il finit par être rejeté. Ce point est alarmant car il risque le rejet social, l’échec scolaire ou professionnel. Pourtant ce sont des gens généralement plus intelligents, très curieux ; ils développent leur cerveau beaucoup plus vite que les autres. On sait aujourd’hui que l’hyperémotivité se traduit par un tempérament explosif. C’est une personne calme qui tout à coup explose. Il développe 5 fois plus d’adrénaline que les autres. Il passe sa vie à surfer sur une mer déchaînée avec des creux de 10 mètres alors que les autres sont sur des mers très calmes.
Cela ressemble à l’hyperactivité. Y a t’il des similitudes ?
Un hyperactif est en état d’excitation du matin au soir, c’est une flèche dans la maison alors que l’hyperémotif explose en fonction d’une émotion et d’un événement qu’il ne sait pas gérer. Il peut être très calme et d’un coup exploser, c’est réactionnel à un trop plein d’émotion. Contrairement à l’hyperactivité, l’hyperémotif n’est pas « malade », il a un tempérament « différent ».
Existe-t-il plusieurs formes d’hyperémotivité ?
Génétiquement, on trouve deux formes d’hyperémotivité : la forme intériorisée et la forme extériorisée.
La forme intériorisée :
Ces sont les hyperémotifs qui intériorisent toutes leurs émotions. On peut croire que ce sont des gens fragiles ou très durs car ils n’expriment rien. Dans certains cas, ces personnes peuvent passer par des somatisations : mal au ventre, malaise vagal, syncope…
La forme extériorisée :
Les émotions sortent dans tous les sens. Crise de colère et violence regrettées 3 secondes après, la personne n’arrive pas à se contrôler (le cas de notre garçon).
Peut-on réussir à gérer son hyperémotivité ?
On peut apprendre à désamorcer une émotion négative car c’est elle qui détruit la personnalité. Beaucoup d’artistes, de sportifs ont appris à gérer leur émotivité pour faire des choses géniales. C’est grâce à elle qu’ils parviennent à faire de telles performances. Pour apprendre à gérer ses émotions, ça passe déjà par l’acceptation de son tempérament instable. Quand on sait pourquoi on réagit de manière démesurée, il faut apprendre à mieux amortir les émotions négatives. Revenir dans le passé, dénouer les nœuds peut-être utile. L’événement n’est pas important, ce sont les émotions que l’on a mises autour. Il faut changer les émotions et non les événements.
Peut-on devenir hyperémotif ?
On peut le devenir suite à un traumatisme. C’est le stress post-traumatique. Une porte claque, la personne fait un bond d’un mètre. C’est une forme « acquise » d’hyperémotivité.
Quel type de thérapie pratiquez-vous avec les enfants hyperémotifs ?
Je pratique ce que l’on appelle des « re-médiations cognitives ». Je réunis plusieurs enfants hyperémotifs. Je les place dans une situation qui va activer leurs émotions. J’analyse leur comportement. Ensuite on en parle et j’essaye de les aider à trouver eux-mêmes des solutions. Je leur donne des astuces pour essayer de se maîtriser, notamment par la relaxation. A la fin seulement, les mamans nous rejoignent et ensemble, nous essayons de mieux comprendre la mécanique des ces crises. Je donne aussi des conseils aux parents qui sont souvent totalement épuisés et désabusés. En cas de crise émotionnelle, il ne faut surtout pas crier ou surenchérir . L’enfant pendant ce pic ne se maîtrise plus. Avec le temps, l’enfant prend conscience de son émotivité et apprend à la gérer. Bien canalisés, cela donne de petits génies car ils utilisent leur hyperémotivité pour construire.
La vie d’un hyperémotif est beaucoup plus riche car il perçoit ce que les autres ne voient pas. Il faut simplement du temps pour s’accepter.
source: http://flotille.canalblog.com/archives/2006/08/28/2556770.html