Extrait d'une étude de l'Université d'Angers
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Le diagnostic de la phobie sociale repose sur quatre piliers symptomatiques.
− Les cognitions
Elles sont centrées sur le souci de donner une image positive de soi aux autres, ce qui entraîne, par conséquent, la crainte d’une évaluation négative. Le sujet est envahi de pensées négatives : échec humiliation, incapacité...
Le phobique social focalise son attention sur ses propres manifestations (autocontrôle) et sur les signes provenant de l’entourage, tentant de repérer les marques de rejet, de critique, aussi minimes ou indirectes soient-elles, puis ruminées pendant des heures, confirmant ses pensées négatives et alimentant la trame des croyances profondes d’infériorité, de manque de valeur ou de dangerosité des rapports humains.
Il est habituel de retrouver chez ces patients une hypersensibilité à la critique, à l’évaluation négative ou au rejet, une difficulté à manifester de l’assurance et une faible estime de soi ou des sentiments d’infériorité.
− L’anxiété anticipatoire
L’anxiété d’anticipation survient vis-à-vis des situations où est impliqué le regard de l’autre. L’expérience déjà éprouvée d’échec réel ou perçu comme tel, dans une situation sociale ou l’échec imaginé en référence à une situation sociale anxiogène passée, va entraîner une exposition en pensée qui va déclencher l’angoisse d’anticipation d’une situation sociale à venir, c’est à dire en rapport avec la crainte d’être jugé anxieux, faible, inapte, voire stupide. Ces situations sont les mêmes que celles retrouvées dans l’angoisse situationnelle.
Cette anxiété antianticipatoire usante, taraudante, omniprésente, peut s’exprimer bien longtemps avant la confrontation à la situation sociale ou publique anxiogène.
Cette angoisse se manifeste notamment par l’apparition de signes neuro-végétatifs importants et se continue par l’angoisse situationnelle ou à l’évitement de la situation redoutée.
Rapidement, une spirale anxiété anticipatoire - échec perçu - anxiété anticipatoire accrue - échec perçu plus grave... va s’installer.
− L’angoisse situationnelle
Là encore le sujet se trouve confronté à une double source d’angoisse. La première est liée à la crainte fondamentale de la phobie sociale, à savoir la peur d’être jugé par le regard d’autrui en raison de la certitude qu’a le sujet de la faiblesse de ses compétences sociales. La seconde est due au fait même d’éprouver une anxiété situationnelle avec son cortège de signes neuro-végétatifs : tachycardie, extra-systoles, tremblements, accélération de la respiration, sensation d’étouffement, douleurs thoraciques, aphonie, vertiges, voire dépersonnalisation – déréalisation. L’expression en elle-même de ces signes d’anxiété va entraîner une angoisse secondaire, elle aussi liée au regard de l’autre : crainte de passer pour quelqu’un d’inapte à s’exprimer en public, crainte de se mettre à trembler au moment de devoir manger devant d’autres personnes, crainte de devenir aphone au cours d’une conversation ou d’un exposé...
Si on parle d’anxiété anticipatoire avant l’exposition à la situation sociale anxiogène et d’angoisse situationnelle pendant celle-ci, il ne faut pas pour autant imaginer que l’ « après-exposition » est exempte d’émotion négative. En effet, en cas d’évaluation d’inaptitude réelle ou perçue comme telle, le sujet phobique social éprouve alors un sentiment de honte et de culpabilité de « ne pas avoir été à la hauteur », d’avoir déçu ou alors d’avoir évité la situation. Ce sentiment persiste longuement après les faits, avec des remémorations douloureuses. Il persiste des traces hypermnésiques, des cicatrices émotionnelles traumatiques de l’évènement qui, lorsqu’elles sont évoquées, peuvent entraîner à nouveau le même cortège neuro-végétatif d’angoisse qu’initialement. Ces expériences traumatiques participent au maintien et au développement des distorsions cognitives telles qu’elles sont décrites plus tard (cf. abord cognitivo-comportemental).
− L’évitement
Face à l’intolérable de l’anxiété et de la honte, le sujet phobique social va tout d’abord tenter de lutter, de se contrôler, mais cette pression supplémentaire sur ses capacités sociales d’adaptation ne va faire qu’aggraver la spirale anxieuse.
Ne reste alors qu’une solution : la fuite.
Certaines situations relationnelles seront alors évitées en totalité, entraînant des préjudices sociaux, professionnels ou personnels parfois majeurs : ne pas aller dans tel lieu fréquenté, éviter tel entretien d’embauche ou tel concours de promotion, ne pas aborder la personne qui plaît... Tous les stratagèmes possibles sont alors mis en place : excuses, prétextes, mensonges, parfois même des scenarii complexes comme par exemple organiser un faux appel téléphonique pendant qu’on est en conversation avec autrui pour pouvoir se défiler.
Plus insidieusement, le phobique social va mettre en place des évitements partiels, c’est-à-dire qu’il participe, mais avec une retenue protectrice : accélérer ou amputer son exposé pour réduire son temps de parole, ne pas s’engager au moment où la relation affective pourrait devenir véritablement intime, participer à une soirée en restant dans son coin...
D’autres comportements plus discrets, appelés « évitements subtils », méritent un repérage sémiologique précis. Il s’agit des petits gestes de précaution qu’effectue le sujet, qui lui permettent de se confronter aux situations sociales en se persuadant qu’il n’y a pas d’évitement et pas d’angoisse, mais qui, en réalité, entretiennent la croyance du danger et qu’il faudra donc bien identifier avec le patient afin de réaliser une thérapie d’exposition réussie : une mèche soigneusement installée devant le visage, une tenue rouge sensée atténuer le rougissement, des gestes de diversion, une attitude hautaine et cassante...